L’amphitryon s’absentait

Il n’était pas là et moi, j’avais soif, très soif. Un seul mot m’aurait suffi.
On entendait une valse; quelqu’un vint m’inviter. La danse fut sublime et cela parce qu’on se tut.
Mon cœur flamboyait: Comment pourrais-je demander à qui que ce soit de tresser mes pensées avant qu’elles n’échappent impunies?
Plus tard, en voyant que mon attente s’avérait stérile,j’ai pris le courage de m'adresser à la foule à haute voix :
- Hé, vous, apportez-moi tous les mots dont vous n’avez plus besoin!
Et je fus surprise de voir la vitesse avec laquelle ils songèrent à renoncer en ma faveur.
J’ai reçu trois chagrins, cinq illusions, une douzaine de platitudes et bon nombre de chiffres dont j’ignorais l’usage. Je les ai tous mis dans une petite boîte que j’ai marquée provisoirement d’une petite inscription (BP).En quittant l’enceinte j’ai pu observer les regards joyeux de mes convives.
Dans ma chambre, clouant les portes, j’ai transféré le contenu dans une boîte plus grande où il y avait encore de la place, je la loquai avec soin et montai dans le grenier.
Sous un petit carton intitulé « Boîte de Pandore », là, j’ai déposé le fruit de ma longue journée.