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Agonie
prose [ ]

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by [Eliana ]

2004-06-15  | [This text should be read in francais]  

Literary Translation - Translations of classic and original poetry and other materialsThis text is a follow-up  | 



J’ai vendu mon âme pour quatre sous et je l’ai jetée sur la lune. Elle pend à la lune comme un blouson jeté sur une chaise en attendant la main qui va la délivrer de son sort... J’attends dans cette antichambre à l’air d’un caveau que quelqu’un vienne me dire de rentrer. Mais j’attends en vain et il commence à faire froid. Mes orteils commencent à geler un à un , puis ce sont mes pieds et mes jambes entieres qui sont prises dans ce froid de geôle. Le violet-noir des murs me fait penser à une gangrène, à un visage de cadavre avec les yeux rivés sur un ciel de plomb... Je me lève en hâte pour ne pas devenir folle dans cette chambre où je suis prise comme dans un piège. Le dessin hiéroglifique du tapis me tient occupée pendant quelques bonnes minutes... le noir et le rouge qui se mélangent et s’entretuent en des spirales hystériques me font tourner la tête à une vitesse inhumaine. J’essaie de me relever du sol mais la fascination des lignes blanches comme une maladie discrète qui se traîne sur le champ de bataille noir et rouge me subjugue. Alors j’essaye de crier mais la voix se bloque dans ma gorge comme un poing trop fort qui frappe et suffoque. Je me roule par terre mais je ne peux pas bouger mes jambes. Je me sens paralysée de la taille jusqu'en bas et j’essaie de me trainer sur les spirales du tapis vers ce qui me semble être le profil d’une porte, à droite, dans le mur mauve-gangrène. Mais je ne peux pas m;avancer. Plus je m’efforce, plus mes bras deviennes moux et je ne peux plus supporter le poids de mon propre corps. Encore quelques millimètres… encore un peu… Mais je tombe impuissante sur le lac noir et rouge qui tient place de tapis. Je roule dans le sang, j’agonise. Mon cerveau essaye de déchiffrer ce qui se passe mais tout devient flou, mes yeux ne peuvent plus discerner les contours du canapé usé qui dort dans le coin, à gauche. Le silence fait mal à mes oreilles, je veux crier, mais je ne peux pas, tout commence à bouger de haut en bas, de gauche à droite, je ne peux plus tenir mes yeux ouverts, je suis étourdie, je ne veux plus que disparaître, loin, loin de cette maudite place, loin de ce violet maudit, loin, loin de là, quelque part dans le sud de ma mémoire, là où il fait bon...
Il faisait trente degrés dehors quand nous nous sommes rencontrés. J’avais mon sac plein de livres que j’emmenais à la bibliotèque pour une donation. Je portais mes sandales noir et blanc, celles que j’avais achetées au magasin pour cinq dollars. J’avais envie de manger une crème glacée, alors je me suis arrêtée devant une vendeuse et j’ai demandé une glace à la vanille. Je sens encore sur ma langue son goût velouté, qui coulait langoureusement vers mes entrailles pour les embrasser dans un baiser glacial. J’avais oublié d’attacher mes cheveux, alors ils n’arrêtaient pas de se coller dans la crème glacée, se mêlant à ma salive et au goût velouté de vanille. Quant je suis rentrée dans la bibliothèque il faisait tellement noir et froid que j’avais l’impression d’être entrée dans un vide infini. Je ne pouvas rien discerner, car mes yeux n’avaient pas eu le temps de s’adapter au noir profond, venant de la lumière éclatante du soleil.
- Tu sens le jasmin et la menthe, m’as-tu dit.
Je ne savais pas qui avait parlé, tellement il faisait noir dans ce hall, un 23 aout 20… C’était une voix un peu rauque mais chaude, un peu fatiguée et lasse, jeune mais profonde, elle a fait tourner mes entrailles et je me suis dirigée vers la gauche, espérant te voir. Je commencais a m’habituer au noir et je distinguais les contours des murs, les colonnes hautes style ionique qui supportent le toit massif du hall de la bibliothèque municipale. Je ne voyais pas très bien ce qui se passait autour de moi, mais je sentais qu’il y avait un silence profond dans lequel le seul bruit était ta respiration , que je sentais chaude et humide dans l’air sec de l’été. Je me suis approchée, mais j’avais peur que le temps ne commence à rouler de nouveau, qu’il ne brise cette magie qui flottait comme suspendue dans l’air qui nous séparait. Je voulais que le temps restât suspendu ainsi pour l’ éternite et que nous restions suspendus en lui aussi, comme des particules minuscules. Je ne voulais pas connaître ton visage, je n'en avais pas besoin. Tout ce que je désirais était de boire l’air humide que tu expirais à intervalles réguliers et que j’attendais déjà avec un frisson de plaisir. En dépit de mon désir de prolonger ce plaisir exquis de boire ton expiration dans un intervalle volé au temps, je m’approchais de plus en plus, sachant que ça briserait la magie entre nous et que nous retomberions dans le temps, dans le présent de ce jour d’août...
Le premier souvenir que j'ai de ta peau est son arôme de bébé, de lait, qui se mélange si bien avec sa texture lisse et blanche. Tes bras, j’avais parfois l’envie de les mordre, de les manger, de les faire moins parfaits. Je me rappelle une fois, je t'ai blessé exprès, j’avais l’impression que la lame du couteau ne pourrait pas pénétrer ta peau, tellement elle était parfaite, blanche, fraîche. Quand le sang a commencé à couler je me suis rendue compte que tu es beaucoup mieux ainsi que tu es.
Un des plaisirs exquis était de promener mes mains sur tes hanches. Elles étaient tellement chaudes, tendres, la peau était tellement parfaite et lisse, que je me sentais mourir de plaisir. Tu ne le savais même pas... Tu me manques tellement...

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