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Plaintes d'oiseaux de mer
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by [Reumond ]

2023-10-11  | [This text should be read in francais]    | 







En silence, l’oiseau vient doucement se poser sur l’horloge de la digue, ce n’est pas un hasard, c’est une invitation, comme un rendez-vous amoureux. Comme pour nous inviter à faire silence, et à nous poser nous aussi… Des questions bien sûr, mais aussi pour apprendre à nous poser délicatement dans la paix et le calme, avec délicatesse et douceur ; tout comme on se recueille dans la fraîcheur d’une belle petite chapelle, perdue dans les sous-bois, pour contempler l’horizon de nos propres existences.

Là-haut, un nuage couleur guimauve se joue du soleil comme les enfants-cerf-volants se jouent des vents contraires.

En une fraction de seconde, tout autour de nous s’apaise… Comme une Vision qui transfigure notre regard, comme une perspective qui s’inverse ou comme un objectif qui change totalement de focale.

Comme au ralenti, la plage se vide, le sable se transforme en coton soyeux et doré, et la digue comme sur un fil ténu se tend, ou se déploie amplement comme une grande voile, pour relier l’infini à l’éternité.

C’est comme si le rivage et les ondes nous invitaient à tout arrêter, et surtout à arrêter de penser, comme pour mieux nous imprégner de l’harmonie des choses ; afin d’entendre avec tout notre cœur, les palpitations moites des battements de la mer.

Si l’on est particulièrement attentif, au-delà des « paisibles rumeurs » dont nous parlent les poètes saturniens, on peut discerner une plainte qui semble monter des eaux ou descendre des airs ; c’est comme un appel ou un cri d’alerte qui vient de très loin ; comme une meurtrissure au ras des eaux ; comme un gémissement marin qui semble monter des profondeurs, porté par les vagues salées et par les vents iodés.

Ici comme ailleurs, ça fait bien longtemps que les Sirènes elles-mêmes ne parlent plus aux hommes ; très longtemps même, et même depuis des temps anciens. Dans le ciel et sur l’eau, seuls les oiseaux de mer semblent avoir, pour quelques raisons profondes, probablement, gardé le contact avec nous.

Effectivement, en dehors de Netflix le monde n’est plus mythique, il est devenu numérique ! Un monde dans lequel les nouvelles Sirènes portent des ports USB en bandoulière, et des casques haute-fidélité sur les oreilles ; elles ont des idées fixes comme des implants dans la tête, et de multiples interfaces tout au bout des doigts.

Le monde n’est pas une « Petite Sirène » joyeuse et énamourée...

Celles d’Ulysse n’avaient que de longues ailes et des pattes d’oiseau. Elles jouaient de la lyre, de la flûte et chantaient comme des cœurs d’anges des mélodies océanes. En ce temps-là, ce chœur d’incomparables musiciennes composait des chants magiques qui réjouissaient le cœur des hommes.

Selon les dires des anciens, elles ressemblaient même à de grands oiseaux à tête de femmes pour charmer les marins avec leurs chants suaves et enchanteurs ; chants à jamais perdus dans les limbes ou les déchetteries de nos modernes technologies.

Jadis, la lyre d’Orphée suffisait pour se débarrasser de ce qu’il y avait de malfaisant dans ces fameux chants ; aujourd’hui, lire ne contente plus personne et lyre ne suffit pas ! Il faut agir, mais que faire ? Que faire ou défaire quand tous les bruits du monde l’emportent sur les mélodies angéliques, les mélopées océanes, les battements de cœur et l’humble clapotis des vaguelettes sur la plage ?

Nous faut-il, comme Ulysse, nous boucher les oreilles avec de la guimauve pour ne pas ouïr ce grand tapage mondain, toutes ces tonalités publicitaires mensongères, tous ces bruissements de machines et tous ces échos de mauvais augure comme de mauvaises nouvelles ?

Pauvre de nous et de notre impuissance à tout changer, que faire ?

Faut-il nous attacher à l’horloge de la digue comme au grand mat d’un bateau fantôme en naufrage, tels les survivants d’un rafiot plein de médusés ? Ou, faut-il nous jeter dans la foule comme des homards dans l’eau chaude, au grand risque de succomber aux brûlures du temps et aux charmes malveillants du monde ?

Alors que les bruits des géants du net l’emportent largement sur le chant des baleines ; que le chant des nouvelles Sirènes nous rend sourds aux palpitations du cœur de tous les exclus ; alors que les nouvelles Sirènes hantent le Net et s’introduisent dans nos têtes à travers le miroir de nos écrans plats…

Que faire et que défaire , alors que l’on ne cesse de prier les Géants du numérique d’en faire plus, tout en contemplant leurs nouvelles Icônes sur iPad comme si j’étais moi-même iDiot ; complètement fasciné par l’appel d’Apple et autre consortium, tout en ignorant que les acteurs d'Internet nous font leur cinéma parlant et payant ; et que nous sommes vous et moi en émoi et fier de l’être, comme un Artaban tout illuminé de miracles technologiques, de mirages fluorescents et de publicités virales.

Au-delà de toutes nos connexions sur Internet, percevez-vous ces lamentations et ces clameurs lointaines qui nous parviennent comme des plaintes d’oiseaux de mer ?

Non, je vous l’assure et je ne vous cache rien, tout comme les oiseaux n’ont pas d’épine, ils ne se cachent pas pour mourir ; bien au contraire, ils se montrent dès l’aube, bien vigilants, comme la plume éveillée d’un poète, et l’œil exercé des prophètes de bonheur.

D’ailleurs, ne sont-ils pas comme de belles énergies qui parcourent le ciel ?

C’est de la sorte qu’entre marées hautes et marées basses, les oiseaux de mer tirent eux aussi le signal d’alarme ; et avec pour seule limite leurs élans du cœur, ils alignent une à une leurs plumes à l’horizon, comme pour se préparer à voler vers un monde nouveau où l’Amour est la règle.

Ne prenez pas ça à la légère ! Ils sont nos agents de liaison entre les terres et les nuées.

Si les oiseaux volent, s’ils s’élèvent, s’ils battent de la plume comme un écrivain qui s’emporte, c’est pour nous inviter à élever nous-mêmes nos propres fréquences, ils sont comme nos diapasons entre le registre des cieux, les instances mondaines et les topiques terrestres.
C’est-à-dire, une référence parfaite pour l’accord parfait entre ce qui au-dessus et au-dessous, comme au-dedans ou au-dehors de nous…
Et pour nous mettre au diapason de leurs vols, il nous faut aussi vibrer, dans le bon sens du terme, c’est-à-dire dans le sens du Tout (le Pantos) et du bonheur pour tous.

Prenez ça sur vous, comme je prends ça pour moi ; surmoi ou pas, il faut que je m’envole et « ça, c’est plus fort que moi ! ».

Nos espaces intérieurs comme le monde sont bien trop pleins de défis malsains, de dépits corrosifs et surtout de dénis insalubres, qui sont des nids mentaux où la confusion couve la confusion. Ce sont d’infâmes repaires où s’accumulent les croyances erronées, les idées les plus noires, les peurs les plus terrifiantes, les déserts les plus secs, les réalités les plus désolantes et les êtres de l’ombre les plus machiavéliques…

Et là à l’instant même où je vous écris, vous me voyez moi-même affligé de la présence en nous, de toutes ces ombres nuisibles et de tous ces lieux propices à la désespérance.

C’est vrai qu’autour de nous les choses et les gens vont mal, mais n’oublions pas que toutes les brisures, que tous les états de crise sont en vérité des opportunités pour de possibles impossibles, comme des éclats de rire, pour de possibles changements au jour le jour, et même pour de grandes transformations.

C’est là même un atelier de créateur, comme la grande marmite des brouillons de nature et des bouillons de culture ; c’est là de même l’athanor des grandes alchimisassions et des transmutations intérieures ; ce sont les hauts lieux d’humbles changements et d’imperceptibles bouleversements, et de mille transitions bienheureuses.

C’est là encore, le feu sous les chaudrons d’or et les potions magiques ; un lieu d’incubation comme tous les lieux dits sacrés, ceux des grâces, des bouleversantes conversions, des créations en préparation, de prompts rétablissements, des miracles inattendus et des retours salvateurs au calme et à la paix des cœurs.

Tel un arc-en-ciel ou un faisceau de lumière qui descend sur les eaux et la plage pour fertiliser nos consciences endormies, comme des Anges bienveillants, les oiseaux de mer volent pour nous apprendre comment voler zélé, de nos propres ailes apaisées.

Ils volent au-dessus de nous, comme pour une guidance à la limite de nos espaces tempes ; afin que nos corps, nos cœurs, nos âmes et nos esprits s’allègent comme de fières et libres montgolfières, et que nos tensions se dissipent et glissent sur nous, pour être absorbées définitivement par les sables de la mouvance.

Pour conclure, restons ouverts comme l’aile du planeur, pour prendre du recul et nous rendre réceptifs aux flux et aux reflux vitaux, et aux mouvements ascendants et descendants…

Il en est de même des ascensions des âmes les plus étincelantes comme de celles des cerfs-volants les plus colorés.

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