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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2024-10-11 | [This text should be read in francais] | Au commencement, Dieu créa le porte-plume, l’encre et le papier buvard pour ne pas faire tache. En ce temps-là , la Terre était informe et vide comme une page blanche, mais il y avait déjà du rêve dans les reliures du temps et des marges dans l’espace. Il y avait aussi du vide, beaucoup de vide pour informer la matière, et des ténèbres entre les rais de lumière comme des traits au-dessous des abîmes. Au-dessus de ce parchemin intergalactique, planaient déjà des nuages pleins d’images, comme qui dirait un brouillon des choses à venir, tel un bouillon de culture dans un grand brouillon de nature ... Bien des années-lumière plus tard, alors que l'esprit des Veilleurs de Dhuis se mouvait au-dessus des encriers, l’instituteur dit : que la lumière soit ! Mais la lumière ne fut que chez les premiers de classe qui avaient des lampes incandescentes en guise d’imaginaire. Alors qu’en classe, les verbes irréguliers faisaient de l’ombre au Verbe lui-même, l’Instituteur vit que cette lumière était bonne et il continua à distribuer des bons points, pour séparer les lumières du dessus, des bonnets d’âne d’en bas. Et comme le temps passait trop vite et que l’espace continuait à s’épandre trop loin, il y avait de plus en plus de bonnes notes, en haut, et autant de soulignements et des remarques en rouges dans les marges du bas… Avant les grandes vacances, l’Instit appela les premiers, les « Bons élèves », et dénomma les autres « Les cancres ». Ainsi, il y eut encore de nombreux bons points pour les uns, et bien des crépuscules pour les autres. Comme des sucettes végétales, toutes les formes nous informent ; un arbre est une sphère sur tronc ou parfois un triangle sur pieds ; l’étang des 7 Îles est un plan d’eau où se plonger comme Archimède ; et toute la forêt est un livre de math couvert d’écorces diverses. Chaque année, on les pèse et on les mesure, on les examine des pieds à la tête, c'est là , la preuve par 9 qu’à 10 ans toutes les mesures, grandeurs et proportions sont déjà en eux. Sans le comprendre, ils le perçoivent. Parce que tout dans les sous-bois se calcule en racines carrées plus ou moins noueuses, et que la Nature elle-même est symétrique, géométrique, esthétique et symbolique. Dans cet Univers des Veilleurs, le porte-plume, l'encre et le buvard sont comme une Trinité appliquée à leur monde scolaire ; et entre les bancs, cette trinité trouve sa dimension sacrée et créatrice dans les taches, les mots de l’écriture et les chiffres du calcul qui s’écrivent et se dessinent comme les matrices d’un monde ou l'imaginaire est inspiré par d’hypothétiques hypoté-muses. Silence ! De saints triangles isocèles, équilatéraux et rectangles planent comme les angelots de Bouguereau sur la classe. D’arc à flèche en périmètre, les auréoles des Saints et les auras des Anges se confondent en cercle comme des anneaux lumineux. Mais ça, c’est un autre rayon que les enfants confient aux pies. Ils préfèrent de loin aux leçons qu’il leur faut rabâcher, le cercle des roudoudous et la somme des carrés de sucre ou de chewing-gum qu’il faut mâcher, parce que l’humour est Roi au Chêne-Pointu ; et qu’il suffit d’une équerre pour tracer la troisième côte d’Adam ; et pour en déduire sur ses doigts, que les angles ont des côtés opposés aux anges, et qu’aucune table de multiplication, aucune conjugaison ne peuvent expliquer la relation profonde qui peut se tisser entre le sexe des anges et les secrets des chambres fermées ; entre la longueur d’un zizi et celle d’un Carambar… Si tout dans l’univers des Veilleurs est un jeu de mots et une immense métaphore où tout se joue comme à la marelle entre Terre et Ciel ; de manière analogue entre les nuages, les eaux et la forêt, quelles sont les analogies entre la grosseur des gros mots et celle des mystères de la Nature ? Quelles sont les analogies entre les seins des filles et l’essaim des guêpes, les rayons X et ceux de notre bibliothèque verte ; ou entre les inconnues mathématiques et celles de l’amour ? Quels liens existe-t-il entre la profondeur des entrailles de mère et l’odyssée de père sur le front de la guerre ? Tout est une étonnante énigme quand on a dix ans et que d’arcanes et de déchiffrement inaccessible à la déraison des Veilleurs ; jusqu’à ce que l’on pénètre la réalité « jusqu’à l’os », que de questions sans réelles réponses et que de réponses sans cesse insatisfaisantes. Et peut-être que l’ensemble de ces grands mystères « et boule de gomme », relève en définitive des leçons de choses cachées, peut-être en partie des mensonges, ou plus sûrement des cachotteries des Grands ; comme si l’ombre des nombres irrationnels planait sur Clichy-sous-Bois, et que les fautes d’orthographe étaient contagieuses comme la rougeole, et que cette maladie honteuse avait contaminé la sphère familiale comme les cahiers de devoirs... Ils ont beau en rigoler, comme rigole l’eau dans les caniveaux, comme disent les parents : « Mieux vaut en rire qu’en pleurer ! » Parce qu’en définitive, sous le bonnet d’âne, ça carbure dur, et que devant le tableau noir, comme derrière le pupitre, il y a toujours parmi nous un pitre à bord, un pythagori-chiens et chat par nature, moins bêtes qu’il n’y parait, mais presque toujours plus philosophe que mathématicien, plus poète que raisonnable, plus rêveur que soigneux. C’est, paraît-il, un « enfant intérieur », un vrai lutin, tel ce « fripon divin » qui nous habite tous, sans exception. Un Veilleur plus gamin que sérieux, plus espiègle qu’appliqué, pour se jouer de la vie et tourner les choses en ridicule ; parce que la classe, c’est avant tout « le cercle des muses de l’hypoténuse » qui tournent en carré, comme tourne le lait, comme pour ne tourner à rien, là où entre la classe, la cour de récréation et la forêt de Bondy, toutes les figures géométriques et les figures mythiques s’entremêlent les porte-plume et les compas, et tout ça, parce que tout est « Liens » et que c’est vachement rigolométrique, comme dirait « La Vache qui rit » . Extrait de Veilleurs de Dhuis. |
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