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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2015-02-01 | [This text should be read in francais] | Submited by Guy Rancourt I Dès l’aube il a pris le cher violon, Ils s’en vont tous deux à travers la ville, Le pauvre vieillard, l’instrument docile ; L’un n’est plus qu’une âme et l’autre qu’un son. Ils sont vieux tous deux. La corde est lassée D’avoir trop vibré Et son âme à lui, pauvre délaissée D’avoir trop pleuré. Ils ont tous les deux la même existence : Sans le violon le vieillard mourrait, Et sans le vieillard l’instrument prendrait Pour mourir aussi l’éternel silence. II Sur le seuil glacé de chaque maison, Devant la froideur des fenêtres closes, Ils vont en jouant la « Valse des roses » Riant leur douleur, pleurant leur chanson. Ah ! comme elle est loin sa belle Syrie ! Si loin que le vieux, Bien plus sûrement que vers sa patrie, Marche vers les Cieux. Ils avaient jadis une même amante, Mais la mort a pris la femme aux yeux bleus ; Quand le violon n’a plus dit d’aveux Les baisers ont fui sa lèvre tremblante. III Un peu de soleil est tout leur désir ; Sans les écouter l’avare Angleterre Comme son trésor cache sa lumière Et sans un rayon il faudra mourir, Car ce soir jouant dans la brume grise Leur triste concert, Avec un sanglot l’instrument se brise Sur un seuil désert. Les cordes sans voix tombent une à une Par lambeaux honteux sous l’archet vibrant, Et le pauvre vieux, tout seul dans la brume, Au logis là -haut revient en pleurant. IV Il a faim, froid, peur… l’ombre l’épouvante… Et fermant sur lui sa morne prison Pénètre son cœur, sa chair défaillante De frissons mortels comme un lent poison. Rien ne chante plus dans l’humble mansarde. La mort aux aguets Se dit : « Il est temps que je me hasarde Puisqu’ils sont muets. » Elle entre sans bruit et sa main de glace Sur les derniers pleurs referme les yeux, Le pauvre exilé se réveille aux Cieux L’instrument brisé vibre dans l’espace… Il retrouve enfin le cher violon, Ils s’en vont tous deux à travers les anges L’un n’est plus qu’une âme et l’autre qu’un son Pour l’Éternité charmant les Phalanges ! Londres, le 12 décembre 1901 (Jeanne Neis Nabert, alias Sijenna, Humble moisson, 1903, pp. 64-66)
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