Murmure aujourd’hui au mot que tu ne peux aimer
que les sons sourds
que tu n’entends pas mais que tu sens s’éteindre
dans chaque particule de la chimie des mains.

tu ne comprends pas encore ce qui se passe
avec tes mains
avec tes mouvements si étranges
si étrangers
si impropres
si incompréhensibles aujourd’hui
demain hier un jour
car tu ne ressens qu’un frisson
de la nuit glacée qui s’infiltre
sous ta peau tel un ver naumien.

il te poursuivra dans chaque voyelle
dans chaque battement de la seconde
qui défile devant l’illusion
jusqu’à ce que l’illusion devienne un signe
dans l’œil de personne, et personne ne te murmure
à chaque heure, à intervalles ronds,
feints,
la même histoire de toi, enfant
blanc, si blanc qu’il semble
que tu n’es pas celui du passé, mais l’être des mots
du futur, penché sur les mêmes images,
illusions,
mystères.

tu te sens encore un geste d’un tout,
un signe mathématique tourné vers la certitude,
une illusion d’optique
que tu refuses d’identifier, car tu es,
tu as été,
tu renaîtras parmi les nombres naturels,
et tu murmureras en syllabes, lettres, sons,
sens multiples, lignes mélodiques, riens,
jusqu’à ce que tu regardes dans les yeux
de l’enfant-adulte qui te tient la main.

il te murmure des murmures inconnus sur
la façon de changer la chimie de tes mouvements corporels,
et de devenir un point dans un cercle
de l’indifférence,
des figures géométriques creusées dans les paumes fissurées
par le manque de contact,
et toi, tu restes là, dans la vitre brisée de la fenêtre,
un corps parfait,
une ombre dans l’angle tordu de la table,
un chacun, une moitié de jour
que tu partages avec toi-même,
murmurant au mot que tu ne peux aimer
ni aujourd’hui,
ni hier,
ni demain, jamais.

murmure au mot que tu ne peux l’aimer,
que tu as peur de toucher
ses formes indéfinies,
que tu as peur de le rapprocher de toi,
de peur de le transformer en je ne sais quoi,
étranger à quiconque,
à quoi que ce soit,
car de toute façon il t’aimera, réflexif,
illusoire,
malade,
depuis toujours avant même que tu ne te nommes,
toi, pour tous,
l’enfant dont les murmures laissent au mot
des sens sans retour.