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JETER L’ENCRE AVEC LA CENDRE
prose [ ]
Car tout ce qui ne s’écrit pas, tout ce qui ne s’exprime pas, finit par s’imprimer recto verso, entre nos espaces crâniens et pelviens.

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by [Reumond ]

2009-10-21  | [This text should be read in francais]    | 





Comme on jette l’éponge, jeter l’encre telle de la poudre aux dieux, car le Verbe est toujours le premier.

En écrivant vaille que vaille, je ne joue plus que le second rôle, c’est pourquoi la vie prend la première place, coulant comme du sang sur mon écran plasma.

Entre deux morts proches et brutales, la vie suit son cours, elle continue la partie, sept sets gagnants, développant sur ma rétine molle une belle pagaille, mais parfois aussi une belle atmosphère.

L’Univers s’étend comme s’il était en perpétuelles vacances, guerres et viols ne semblent pas l’arrêter de délirer à profusion, à pleine diversité. C’est bien vrai que des continents qui arrêtent de dériver deviennent incontinents !
Entre deux lames de fond, quelques larmes et des souvenirs à la pelle, je jette l’encre comme on lance des cendres sur la pelouse trop grise pour cacher la nudité d’une mort trop obscène.

Cendres qui disent à mi-mots quelque chose du défunt. La poussière d’étoiles est une vieille dame très digne ; quelques milliards d’années à tricoter des nébuleuses et elle continue inexorablement à vivre, à palpiter en chacun d’entre nous.

Enfant déjà, je suçais le coin de mes draps, doudous rêches comme mamelles en friche, pour m’assurer le lait de l’existence, la sécurité au dédale des jours gris et bruyants. Aujourd’hui encore pour me rassurer, tous les matins je jette un coup d’œil discret vers la pendule, pour voir si le temps est toujours de la partie. Et sans attendre la réponse, sans espérer le plein réveil, je tire le drap à moi, je tire à bout portant sans trop penser aux conséquences, pour constater que l’espace s’épand encore et toujours. Alors pour m’étendre avec lui, m’aliter de lui, contre lui, par lui, en lui …, je décide de me lever et d’écrire comme on décide de respirer totalement, je décide de coucher mes sentiments et mes rêves sur le papier, en arrêtant de me regarder le nombril dans la glace pour y voir tous les nœuds réalisés entre la grâce et la cause.

Causes, grâces et glaces tout se confond ! Tout se mêle, quand je respire de mes quatre diaphragmes pour voir sur les miroirs dans mon regard que la glace ou ma vue s’embuent, se voilant de chaque souvenir, se cachant du souffle, de la condensation et de l’esprit des choses qu’il me reste à écrire.

Car tout ce qui ne s’écrit pas, tout ce qui ne s’exprime pas, finit par s’imprimer recto verso, entre nos espaces crâniens et pelviens. D'une manière inéluctable, la chair garde toujours des traces évolutives qui viennent des fonds des âges et des tiroirs de notre humanité, de grands compartiments, des conteneurs qui regorgent d’expériences d’animalité et d’inhumanité.

Dans la fosse commune, les cendres et les poussières disent la parole silencieuse des os ; des mottes de souvenirs remontent au front ; c’est pourquoi j’ai probablement mal à la tête, juste là, entre le ciel et la terre, l’hypothalamus et l’hypophyse, au-dedans du cœur, à la gorge, au-dessous du manque, en deçà des idées et du vide ; sous le désir et l’appel intempestif au plein …

J’écris , parce que la chair à ciel ouvert est un fourre-tout où les mots rassemblés au fil de la prose, comme dans un musée, un théâtre, une scène …, sont autant de liens que de lieux tissés entre notre préhistoire et notre devenir.

(...)


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