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Les membres fantômes
article [ ]
Sur ce, les statues amputées ont-elles des états d’âme ? Des sentiments de manque et des picotements au bout des riens ?

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by [Reumond ]

2010-10-29  | [This text should be read in francais]    | 



Définition du membre fantôme :

Perception ou sensation, parfois douloureuse, qu'éprouve un sujet à l'endroit d'un membre amputé, comme si ce membre était encore présent. Sur ce, les statues amputées ont-elles des états d’âme ? Des sentiments de manque et des picotements au bout des riens ?



En tout cas, « Les Trumains », quant à eux, selon le néologisme consacré par Jaques Lacan, sont tous manchots !

C'est à ressentir ! C'est-à-dire, que tous les hommes de Lettres et les artistes de la Couleur, de la danse ou du théâtre, toutes les femmes de Formes et celles qui sont plutôt de Traits, ont tous ce point commun, ce fantasme partagé, cette hallucination collective d'une perception ou d'une sensation douloureuse d’avoir perdu un membre ! Comme quelque chose d’eux-mêmes, un morceau de soi, ce petit quelque chose que cherche sans cesse la plume sur le papier, le geste accomplie dans la chorégraphie, ces gros mots en poésie…

C'est comme une lancinante douleur du désir.

Ladite subjectivité de cette présence continue d'une main, d’un bras, d'une partie de soi-même dont on est dépouillé, qui nous hante de la de pied en cap, de la marge jusqu'au point final, n’y change rien ! Une réalité plus grande encore nous fait signe, nous fonde chair manquante, défaillance, et signe la chair tout au-dedans de nous ; hallucinant ce membre fantôme, comme si nous étions tous les membres d’un seul corps complètement manqué !

On n’a beau me dire que c’est une simple question d’afférences somesthésiques du cortex pariétal droit, balivernes ! Mon sang qui n’en fait qu’à sa déveine et l’encre qui ruisselle en mes entrailles, me disent tout le contraire ! Ils me parlent d’autre chose, d'un souffle trop court qui est de l’ordre de l’aspiration ; décidément, les neurologues ne connaissent rien à la magie du verbe !

Le seul traitement que je connaisse, c’est le cri et l’écriture du cri, la peinture et le mouvement du cri, et la pratique de l’art plastique qui vise à exorciser ces fantômes-là, jusqu’au bout des doigts manquants !

Graphes et grattes, griffes et glyphes semblent avoir la même origine et relever les uns comme les autres, de la même structure mentale fantomatique, d’un même désir de se dépasser pour outrepasser la matière, meubler ce vide dans le continuum espace-temps.

Ce fantôme, semble être celui du même verbe « VIVRE » outre mesure, outre marge, outre forme, outre trait jusqu'en outre-tombe

Et c’est probablement en comprenant comment et pourquoi notre cerveau construit constamment de telles images du corps physique ou social, et comment ces images hantent continuellement notre quotidien, que nous pouvons comprendre le Monde.

Coupés du pied, des jambes, de la main, de la langue ou de la zigounette, Les Trumains, au pluriel parce que nous sommes tous un, donnons-nous tous le moignon ! Unijambistes, muets, aveugles, manchots, castrés …, le combat continu !

les Trumains étant non pas condamnés au manque, mais plutôt appelés aux rêves pour songer le manque, le sonder à coup de symbolique, le graver dans l'os, calligraphiant la chair, l’écrivant dans toute la profondeur du trait.



Il y aurait encore beaucoup à écrire sur Les Trumains, par rapport à ce que Lacan appelait « le parlêtre », par lettres recommandées, par lettres interposées, par traits, couleurs et par gestes … Du « Sinthome » (Lacan) aux saints tomes des opuscules et recueils pas encore publiés, par des œuvres à exploser, chacun, chacune étant une partie d'une équation, d’une fragmentation et d’une totalité. La fragmentation de tous n’étant en réalité que l’image éclatée d’un tout !

Parce qu’il faut bien les crire, les Trumains, malgré la majuscule restent des moignons d’homme, des hommes en manque et en devenir, des virtualités réelles, c’est-à-écrire en passe de se réaliser au Jour Du Grand Trait.

Quand, comment ? Questions cruciales posées à tous et à tout "parlêtre", entre nos différentes tentations ou tentatives de création, et par une volonté forcenée de trouver le trait juste (Le Très Juste) d’une langue fondamentale, qu’il nous reste à trouver derrière les mots mêmes et le sens même des maux. La véritable langue, ne serait-elle pas celle de la carence et de la pauvreté ? Celle qui est « rature » jusqu'au bout, tentative d’être et de saisir l’être même de l'indicible, de l'intime jusqu'à l'ultime d'un soi-même retrouvé ?

La langue vivante du désordre confrontée à la langue morte de l’ordre, n'est-elle pas recherche d’équilibre entre l’intériorité et l’extériorité des traits et des couleurs, des sons et des accords, sur la corde raide des jeux-issantes, au fil du moi, entre construction et anéantissement, comme un retour inéluctable au point de départ, là où l'indicible gite comme SDF et éclabousse comme un feu d'artifice giclant d’un terrible volcan ?

En ces temps d’Halloween, ce qui caractérise la maison Hantée et fait toute la différence avec celles qui manquent de cachet, c’est justement la visite des manquants, la fréquence des apparitions, la qualité des rencontres avec les revenants et bien sûr toutes le caractère des spectres.

De même, dans les statuts amputées, ou chez un homme « en manque » de quelque chose ou de quelqu’un, ce qui est intéressant, ce n’est pas ce que l’on voit, ce que l’on a déjà, et encore moins ce que l’on croit voir ! les apparences sont toujours sournoises ! Il faut les transcender, les dépasser pour percer le voir et constater que l’essentiel c’est souvent ce qui manque !

L’essentiel n’est-il pas d’espérer ce que l’on n’a pas en corps ? Beaucoup nomment cela la foi !

Tel le morceau qui manque aux puzzles de 2000 pièces, ou le logement qui fait défaut au SDF, le vers que cherche le poète..., parce que c’est la privation qui fait l’homme et le manque qui se fait chair.

Et cela est bien connu des sages, qui fait l’homme fait la bête ! Et ce qui manque à la bête, c’est justement l’homme qui vient, le fantôme de l’homme qui n’est pas en corps !


(…)

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