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Des impressions
article [ ]
de l'art pariétal à l'art contemporain, exorciser la mort.

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by [Reumond ]

2024-01-15  | [This text should be read in francais]    | 




À la criĂ©e des galeries d’art et des libraires, toutes nos crĂ©ations, toutes nos impressions, sans exception, ressemblent Ă  des SOS lancĂ©s Ă  la volĂ©e, comme des appels Ă  l’aide, des cris comme ceux d’Antonin Arthaud ou des cris Ă  la Munch. Parce qu’une main qui Ă©crit, une main qui joue d’un instrument, qui dessine ou peint 
 MĂȘme si cela ressemble Ă  des pattes de mouche, il faut le rappeler, c’est toujours un corps qui se dit, un corps qui gueule son existence, ou un cƓur qui s’écrit avec passion ; une Ăąme qui hurle « Je pense » ou carrĂ©ment « Je suis »  C’est-Ă -dire, une expression identitaire, celle d’une personne en Ă©quilibre instable sur une corde raide, celle de la vie ; le cri d’un ĂȘtre vivant qui dit de tout son ĂȘtre sa dite prĂ©sence au monde, comme dans une rĂ©elle manifestation.

Des MAINS’ nifestation aux MAINS’ ipulation

Des peintures rupestres aux feuilles d’éphĂ©mĂ©rides, depuis toujours, le mouvement des mains sur la roche, la toile ou le papier, c’est toujours et partout la mĂȘme chose, ce sont des mains qui Ɠuvrent comme un signal, comme un signe qui en appelle d’autres et qui, quelque part en appelle au destin ; ou c’est encore comme « un balisage » (voir notes) de mains, comme des traces qui se font signaux de dĂ©tresse.

À travers toutes ces Ɠuvres, des plus antiques aux plus contemporaines, des plus hyperrĂ©alistes aux plus surrĂ©alistes, des plus abstraites aux plus figuratives
 On pourrait attester de notre propre constitution d’homo sapiens, ou affirmer comme la vie s’affirme sous toutes ses formes et de tous cĂŽtĂ©s, que « les arts » comme « les lettres » ne sont qu’un prĂ©texte Ă  crier cette prĂ©sence, la nĂŽtre, au monde, le nĂŽtre. Et que tous nos textes sans y dĂ©roger, sont des Ă©chappatoires qui mettent en Ă©vidence la fin d’un parcours, la mort.

C’est poignant, mais depuis la prĂ©histoire, nĂ©andertaliens et homo sapiens ont Ă©prouvĂ© de mĂȘme maniĂšre l’amour, la vie et la mort, et l’ont pareillement exprimĂ© Ă  travers leurs impressions propres. Comme les masques d’Ensor, nos Ɠuvres sont d’émouvants tĂ©moignages de faux-semblants ou de faux-fuyants ; comme le sont de bouleversantes toiles accrochĂ©es comme des catafalques, ou des sculptures dressĂ©es comme des monolithes ou des cercueils.

Des prĂ©textes ou des couvertures comme des linceuls de toile de lin, ou d’impressionnantes impressions d’eux-mĂȘmes reliĂ©es pur cuir, comme pour prĂ©server un pharaon.

Cela est impressionnant, mais c’est la vie qui s’installe, et tous ces cris de tout temps, toutes ces images de tous lieux, sont des « installations », sur des via vitae, des parcours ou des passages de mains Ă  mains, comme dans une course de relais, une course Ă  la mort ou Ă  la vie, avec ses stations ou ses Ă©tapes sur le chemin de l’existence, tels des lieux de transmissions, « de signes », celles d’une prĂ©sence au monde.

Des « che - mains d’hu – mains », des « che - mains d’humanitĂ© » comme sur les parois de la grotte Chauvet.

DES CHEMINS DE MAINS

Ne vous y trompez pas, il n’y a pas lĂ  de simples « jeux de mains » inoffensifs, comme il n’existe aucun « jeu de mots » anodin... Toutes ces mains, tous ces mots, et l’ensemble des Ɠuvres que l’on regarde ou que l’on compulse avec enthousiasme, indiquent ou montre du doigt « un sens », au sens plĂ©nier du substantif « Sens », c’est-Ă -dire, dans sa triangulation entre l’éprouvĂ©, la signification et la direction qui est celle du « sens de la vie ».

Ceux mĂȘmes qui vous montrent du doigt, ceux qui lĂšvent la main sur vous, ou qui veulent vous en imposer ou vous infligent de maniĂšre pĂ©remptoire ou dogmatique leur sens unique et giratoire, ainsi que leur interprĂ©tation du sens de la vie, ne sont que des mains molles, des iconoclastes et des brĂ»leurs de livres.

Mais tel un suppĂŽt de Lacan, je l’affirme d’une main bienveillante, tous les jeux de mains comme tous les jeux de mots, Ă  l’instar de ladite « langue des oiseaux », rĂ©vĂšlent le sens cachĂ© des choses, comme le sens profond des mots et des noms, des impressions et de leurs expressions 
 Tout comme le dĂ©montre avec humour le physicien Étienne Klein dans son essai « Anagrammes renversantes ou le sens cachĂ© du monde », un bel ouvrage dans lequel, en guise de conclusion anagrammique, « Les Ă©ditions Flammarion » se traduisent ou se dĂ©codent en :

« L’arĂŽme des mots Ă  l’infini ».

Ce qui prouve qu’il existe une relation intime et ultime entre les mots et la matiĂšre, entre l’intĂ©rioritĂ© profonde et l’extĂ©rieur, le logos et le Cosmos, comme entre la masse d’une particule et son Ă©nergie. Comme une vĂ©ritĂ© quantique ou une rĂ©alitĂ© cachĂ©e ou kabbalistique.
Mais ce n’est lĂ  qu’une impression et il n’existe pas d’in – pression sans pression intĂ©rieure et extĂ©rieure.

« Ce n’est lĂ  qu’une impression ! »

On dit « ça » trop naĂŻvement, mais bien souvent ces impressions durent et perdurent bien au-delĂ  de nos propres existences, dures comme la pierre, elles rĂ©sistent et persistent, tout comme ces milliers d’impressions de mains, qui ont plus ou moins 25.000 ans, sur la roche des cavernes et autres grottes, des mains qui s’expriment, nous disent, commentent la vie, l’évĂ©nement
 Tout comme sur nos « murs » Facebook contemporains.

NaĂŻvement, parce que la plupart des impressions sont des appeaux, comme les intuitions sont des appĂąts, tout comme les attractions de notre enfance nous charment encore et toujours. Ces impressions, bien plus subtiles que nous, nous rattrapent plus vite que la lumiĂšre, pour nous attraper par les sentiments, c’est lĂ  mĂȘme la fameuse « loi de l’attraction ».

C’est tout comme l’attrait des livres, cette fascination pour toutes ces impressions qui s’éditent, se publient Ă  tout vent, et se reproduisent jusqu’en PDF pour mieux pĂ©nĂ©trer dans notre « espace tempes » et nos chairs de lecteurs compulsifs.

Oui, mĂ©fiez-vous des impressions, mĂȘme des plus lĂ©gĂšres ; on les croit inoffensives, mais dans notre ignorance ou notre sotte innocence, dans notre enthousiasme comme dans notre volontĂ© de survivre Ă  ces multiples impressions qui nous assaillent du matin au soir, elles finissent un jour par nous avoir, par nous impressionner de plus belle, et par nous inspirer nous-mĂȘmes, au point mĂȘme d’avoir envie de devenir nous aussi « impression », en nous transmettant Ă  notre tour, de page en page, comme se transmettent les plaquettes sanguines, comme si elles Ă©taient notre propre ADN Ă  perpĂ©tuer.

Puisqu’elle n’en fait qu’à sa tĂȘte au fil de ses sommaires, « La Grande Librairie » ne fait pas de ces « impressions » ou de cette rĂ©alitĂ©-lĂ , son « gratin » (voir notes), de la maniĂšre dont « la migration » fait le gratin d’une certaine droite ; mais croyez-moi, pour avoir Ă©tĂ© moi-mĂȘme impressionnĂ© comme une pellicule photographique, et Ă©prouvĂ©, corps, Ăąme et esprit comme une Ă©preuve sur papier, je tenais Ă  vous prĂ©venir ou tout au moins Ă  vous en informer.

Je regrette sincĂšrement que l’histoire de l’art, comme La Grande Librairie, nĂ©glige ce vĂ©ritable « cri primal » (voir notes), qui est celui de l’angoisse ou de la peur, du dĂ©sarroi et de l’impuissance face Ă  la grande faucheuse, Ă  l’absence d’amour et aux incessants deuils Ă  assumer.

Les mains sont les portes du cƓur et comme telles, elles font office de rĂ©ceptacle pour prendre, donner ou recevoir. Couper les mains d’un autre, c’est le couper de sa propre humanitĂ©. Avec le cƓur, la main seule est capable de comprendre l’humanitĂ© de l’autre. Elle matĂ©rialise l’exĂ©cution des choses, d’un travail, d’une Ɠuvre. Il semble Ă©vident que pour Ă©prouver la vie, la main est aussi nĂ©cessaire que le regard des autres.

Les mains sont l’expression de moi-mĂȘme et de ma capacitĂ© de saisir, de toucher et d’offrir. Pour ressentir rĂ©ellement la vie, il faut pouvoir Ă©changer, et les mains peintes ou les mains qui peignent, peinent Ă  dire ce caractĂšre unique d’un toucher particulier et personnel Ă  l’image de nos empreintes digitales.

Les mains perçoivent le rythme de la vie, et la vie des autres. Elle sait user de contacts si nĂ©cessaire, et de tact permanent pour ressentir la rĂ©alitĂ© des choses, parce que la main qui aime est une main sensible au vrai sens du terme, et au vrai sens de « la vie » c’est pour cela qu’elles s’inscrivent dans le temps et l’espace des cavernes.

Regardez vos mains, ces mains ont touchĂ©, et ces mains touchent, et si le destin vous est favorable, ces mains, vos propres mains, toucheront l’impossible. Elles ont en elle le passĂ©, le prĂ©sent et l’avenir ; et pareillement, en elles, elles ont toute la sensibilitĂ© qui relie tout notre organisme au monde.

Toutes les mains sont chargĂ©es de possibles et d’énergies comme des caresses donnĂ©es et Ă  transmettre . Elles ont en elle une puissance d’attouchement, de virtuositĂ© ou de talents, elles savent effleurer l’invisible et frĂŽler d’impossibles limites.

Ces mains de Chauvet sont comme des cñlins de pierre, chaleureuses comme la caresse des vents tiùdes et la chaleur des rayons du Soleil

On dit que la main gauche est celle du cƓur et du cerveau droit, celle de l’intuition et de la crĂ©ation
 Ce qui pourrait expliquer que les mains pariĂ©tales sont davantage des mains d’artistes et de femmes.

Et parce que la main est une interface de l’ñme, quoi qu’on en dise, la signification originelle ou surnaturelle de l’art prĂ©historique, du palĂ©olithique au mĂ©galithique, restera toujours une Ă©nigme pour nous, et continuera Ă  Ă©chapper Ă  notre mental trop rationnel et trop matĂ©rialiste.

C’est une rĂ©alitĂ© « impressionnante » que de comprendre que tous nos livres anciens, modernes ou contemporains comme « les mains sales » de Sartres ou « Les mains du miracle » de Joseph Kessel, entre autres, ne sont que le prolongement, dans notre espace tempes collectif, de toutes ces centaines de milliers d’empreintes de mains sur les parois des cavernes des premiĂšres sociĂ©tĂ©s dites humaines, au palĂ©olithique.

C’est une rĂ©alitĂ© aussi « spectaculaire » que de prendre conscience que toutes nos Ɠuvres dites artistiques, qu’elles soient architecturales, plastiques ou musicales, ou qu’elles relĂšvent des arts visuels, ne sont que des cris du cƓur, des appels Ă  la vie de survivants, ceux que nous sommes tous en somme comme en Ă©moi. Sains et saufs, tous les matins de notre vie, nous sommes comme des rescapĂ©s, des rĂ©chappĂ©s ou mĂȘme des miraculĂ©s puisque la vie est un vĂ©ritable miracle.

DES SIGNES DE LA MAIN

Les mains sur les murs, c’est comme une forme dĂ©tournĂ©e de la chiromancie, ou un Ă©cho de priĂšres, de mains jointes, des souvenirs de nos plus tendres caresses, de nos claquements de doigts ou de nos battements de mains en attendant que nous battions des ailes.

A l’image des « Mudrā » de la culture vĂ©dique, et des rituels tantriques, imaginez un peu , tous nos ancĂȘtres de la prĂ©histoire en train de se donner la main en signe de paix, de se signer de la main pour conjurer le mauvais sort, pour Ă©carter les mauvais esprits et chasser les prĂ©dateurs comme on tente de chasser la mort en posant des rituels, avec des paroles posĂ©es, des gestes des mains, sur les murs des cavernes, comme on pose un post ou une image de soi sur Facebook pour implorer d’ĂȘtre vu, d’ĂȘtre cru ou peut-ĂȘtre mĂȘme d’ĂȘtre lu un jour ; parce que les mudras et les mantras vont de pair, comme les images et leurs commentaires, comme des hymnes sacrĂ©s psalmodiĂ©s sur le clavier avec des majuscules, des Ă©moticĂŽnes et beaucoup de points d’interrogation.

Tout cela, avec de grands gestes des doigts vers le haut ou vers le bas, comme dans la Rome de jadis ; tels des indices de soi ou des sceaux de son profil ; comme des apprĂ©ciations ; des signes de la main ayant pour fonction d'apposer la vie ou la mort. Ces mains sur roche, c’est une image sans paroles, ou une parole sur des illustrations ; comme dans un acte liturgique qui s’ignore, ou feint de s’ignorer, afin d’obtenir une rĂ©ponse du ciel ou de la terre, avec une efficacitĂ© quasi magique, celle d’ĂȘtre vu, cru et lu. L’eusses-tu crut ?

ClĂ© en main, selon des critĂšres et des paramĂštres codifiĂ©s par le Grand Cloud de cet infĂąme Gafam, Ă  qui nous octroyons l’autoritĂ© et la puissance spirituelle.

Les superstitions de la prĂ©histoire ont toujours cours aujourd’hui comme une valeur ancestrale, avec des mots et des signes qui font sacrĂ©ment « sacrement de vie ». Sur roche, ce sont des signes de la main comme on impose les mains aux malades, Ă  la diffĂ©rence des simples signes, comme le « sens interdit » des vĂ©hicules, ou les points sur les i, les mains sur la roche sont censĂ©es nous protĂ©ger du mal comme le « signe de croix ».

Les mains sur la roche comme les mots dans les livres sur les rayons des libraires, sont comme davantage de mystĂ©rieux codex, des symboles magiques, comme des runes sur roche ou des lithographies, c’est-Ă -dire une maniĂšre de s’immortaliser comme de mettre son nom sur un monument, un recueil de poĂ©sie ou sur une pierre dite tombale.

En matiĂšre de sĂ©miotique il y a toujours des limites Ă  l’interprĂ©tation comme l’écrivait Umberto Eco. Les signes sont comme des galets qui roulent et se patinent avec le temps et le contact entre la matiĂšre et la maniĂšre, mais n’empĂȘche que tous ces livres imprimĂ©s et que toutes ces impressionnantes impressions donnent le tournis, mĂȘme si cela donne Ă  penser comme Ă  panser.

Depuis les dĂ©buts de l'hominisation, la mort a Ă©tĂ© une rĂ©alitĂ© omniprĂ©sente et n’a cessĂ© de susciter des rĂ©ponses culturelles, artistiques et religieuses.
L'art comme la littĂ©rature, la mĂ©decine comme les technologies peuvent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s comme des moyens pour les homo sapiens de donner un sens Ă  leur existence ici-bas et de faire face Ă  l'inĂ©vitabilitĂ© de la mort.

Dans « la nuit des tempes » comme par les temps qui courent, toutes les créations artistiques et autres sont utilisées pour immortaliser des individus, éterniser des moments ou perpétuer des idées, créant ainsi une forme d'immortalité plus ou moins symbolique.

Il en est ainsi, me semble-t-il, mais « ce n’est qu’une impression », de l’ensemble des Ɠuvres littĂ©raires, mĂ©dicales et technologiques
 Que dans ma naĂŻvetĂ©, je considĂšre comme des tentatives d’exorciser la mort ou de transcender les limites de la mortalitĂ©. Que ce soit en prĂ©servant les croyances, les connaissances ou une expĂ©rience humaine Ă  travers les gĂ©nĂ©rations ; c’est-Ă -dire en repoussant les frontiĂšres de la mĂ©decine pour prolonger la vie ou en dĂ©veloppant des technologies qui dĂ©fient la fragilitĂ© humaine, comme dans le transhumanisme.

Comme si la Grande Muette, « la muerte » Ă©tait la principale et unique source d'inspiration et de motivation pour la crĂ©ativitĂ© chez l’homo sapiens. Bien que d'autres aspects de la vie, tels que l'amour, la beautĂ©, la curiositĂ© ou le dĂ©sir de comprĂ©hension, peuvent jouer Ă©galement un rĂŽle crucial dans toutes les formes de crĂ©ation culturelle et intellectuelle.

Depuis la nuit des temps, des os blanchis et des chairs corrompues, toutes nos crĂ©ations homo sapiennes, qu’elles soient artistiques, littĂ©raires, mĂ©dicales, technologiques
 Ne sont que des maniĂšres dĂ©guisĂ©es d’exorciser la mort ou des prĂ©textes variĂ©s pour conjurer le mauvais sort. Tel un langage de sourds devant la mort, le langage de tous ces signes nous mĂ©duse et ces mains pĂ©trifiĂ©es depuis plus de 30.000 ans en tĂ©moignent. Mais heureusement, l’homo sapiens mĂȘme s’il ferme les yeux ou les mains Ă  maintes rĂ©alitĂ©s n’est pas muet.

Tous les signes de croix sont avant tout des signes de mains ou de la main, et comme tous les signes et les impressions Ă©prouvĂ©es, ce sont comme des images et des mots, des icĂŽnes, des motions et des Ă©motions qui se disent tout au long de la vie ; avec ses maux et ses mots, alignĂ©s en longues processions, comme des symptĂŽmes d’existence ou des sinthomes d’écriture (voir notes).

DerriĂšre nous comme devant, il y a un long cortĂšge d’Ɠuvres diverses qui se donnent, se disent et se lisent parfois ; telles des palettes de livres chez les uns ou des palettes de couleurs chez les autres ; des formes sculptĂ©es dans le marbre ou des partitions sculptĂ©es dans le son ; comme des parties de soi ou d’un soi, mais toujours comme des parties de mains, sur des claviers Windows ou Steinway ; des jeux de mains avec un archet sur un Stradivarius posĂ© sur la clavicule (clef) de la vie, ou sur une toile d’artistes et d’artisans, comme des jeux subtils, des jeux de mains, de bons et de vilains pour des enjeux qui bien souvent nous dĂ©passent.

Le philosophe Platon serait-il le fondateur de l’Ombromanie et son mythe de la caverne, une description de l’allĂ©gorie de Chauvet ?

Jeu de mains par excellence, les ombres chinoises et autres thĂ©Ăątres d’ombres sont le reflet de ce qui se joue continuellement entre la caverne de notre intĂ©rioritĂ© labyrinthique et le monde extĂ©rieur oĂč sĂ©vissent la vie comme la mort.

Dans cet entre-deux, nos Ɠuvres ne seraient-elles que des « Pantomimes » dĂ©guisĂ©es, des jeux de mains comme des jeux d’ombres dans notre grotesque caverne mentale, toute pleine d’idĂ©es fixes et de croyances que l’on transfĂšre comme des dĂ©calcomanies ?

Par quelques procĂ©dĂ©s artistiques ou littĂ©raires, lĂ  oĂč nos propres ombres se jouent de la lumiĂšre ; jeu de mime pour des enjeux minĂ©s ?

Dans ce mimodrame qui se dit entre le mélodrame et la comédie, les artistes et les écrivains seraient-ils les bouffons de la Dame aux stress, plus bouffons que des squelettes de carnaval ?

Entre les mains des autochtones de ces cavernes, l’auroch et les allogùnes d’aujourd’hui 36 000 ans nous contemplent.

Parmi les plus prestigieux musĂ©es et les plus visitĂ©s au monde, comme le Louvre, le British Museum, le Metropolitan Museum de New York ou le MusĂ©e de l'Ermitage de Saint-PĂ©tersbourg, durant des dĂ©cennies, « les grottes de Lascaux » et leurs superbes dessins, furent « la rĂ©fĂ©rence française » en matiĂšre d’art rupestre, avec leurs 20.000 ans d’anciennetĂ© ; alors la dĂ©couverte en 1994 de la grotte Chauvet-Pont d'Arc, avec son art pariĂ©tal, ses 36 000 ans d’ñge, et ses mains du palĂ©olithique fut un Ă©vĂ©nement mondial.

Ici, l’art comme l’air circulent dans le flux de nos gĂšnes et dans les vagues de migrations et d’hybridation. En posant mes propres mains dĂ©sinfectĂ©es sur la roche, je perçois leur propre anxiĂ©tĂ©. Par apathie, je ressens qu’ils souffraient corps et Ăąme des mĂȘmes apprĂ©hensions que nous tous (dĂ©nĂ©gations comprises) face Ă  la mort de leurs enfants et proches ; qu’ils connaissaient les mĂȘmes tourments Ă  chaque tournant de la vie ; et sans me tromper, je peux mĂȘme dire et certifier que les Cro-Magnon avaient eux-mĂȘmes la mĂȘme angoisse face Ă  l’inconnu, Ă  l’étrange ou Ă  l’étranger comme face Ă  la mort.

Parce que de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration comme de siĂšcle en siĂšcle, les mĂȘmes sempiternelles questions sans rĂ©ponse vis-Ă -vis du sacrĂ© et de l’inexpliquĂ© reviennent au galop des chevaux peints. Comme reviennent les rides Ă  chaque gĂ©nĂ©ration, comme accourent les mĂȘmes croyances intergĂ©nĂ©rationnelles et les mĂȘmes superstitions rĂ©cidivantes ; les mĂȘmes Ă©prouvantes Ă©pouvantes qui rĂ©apparaissent dans le noir ; comme des fantĂŽmes ou des ombres de marionnettes squelettiques sur les murs de nos chambres et sous nos lits de feuilles. C’est de la sorte qu’en sorte de sortilĂšge et d’antidote, les rites rĂ©cidivent comme les fantasmes les plus cauchemardesques.

Les mains sur la roche, les mains dans ces mains, je peux ressentir comme un exorciste, les esprits qui habitaient ces lieux, je peux de mĂȘme Ă©prouver ce qu’ils Ă©prouvaient, les mĂȘmes paniques ancestrales ; les mĂȘmes inquiĂ©tudes irrationnelles, et des anxiĂ©tĂ©s identiques aux nĂŽtres, avec les mĂȘmes questions Ă  l’image de ces mĂȘmes et Ă©ternels rites funĂ©raires et autres rituels de liens, d’alliance ou de division entre les mondes.

Dans le labyrinthe de la grotte Chauvet-Pont d'Arc, l’art pariĂ©tal a depuis toujours croisĂ© l’art contemporain, parce que tout est liĂ© comme tout est analogique dans le Cosmos. Et dans cette vĂ©ritable et authentique « galerie d'art » , j’ai de la sorte croisĂ© mes propres obscuritĂ©s et mes propres peurs d’il y a 36.000 ans ; j’ai vu de mes propres mains, entre les reprĂ©sentations de mammifĂšres dangereux et tout un incroyable bestiaire, la mort et la vie se jouer ensemble autour du mĂȘme feu ; j’ai perçu pareillement, le temps et l’espace se jouer de la mĂȘme maniĂšre des mĂȘmes matiĂšres d’argiles et d’eau ; et sur l’une des parois qui Ă©taient comme un vĂ©ritable portail spatio-temporel, j’ai vu mon image a propre signature de points-paumes.

Dans l’obscuritĂ© de Chauvet comme dans ma caverne intĂ©rieure, j’ai pu discerner jusqu’à quel poing la main saisit la rĂ©alitĂ© ? En observant les mains sur la matiĂšre comme sur les autres, j’ai vu la main comme un signe d’Amour ou de pouvoir. Et sans avoir moi-mĂȘme la situation en main, j’ai vu entre mes doigts gercĂ©s comment manipuler la matiĂšre et la maniĂšre de le faire, comme avoir en main et en couleur la glaise de l’homme en devenir, Golem flasque et poussiĂ©reux comme un Adam aux pieds d’argiles.


Comme celui qui veut possĂ©der la reconnaissance pour fuir la mort lente, le fait de ses propres doigts en prenant son destin en mains ; celui qui maĂźtrise la qualitĂ© de contact avec la matiĂšre, les Ă©vĂ©nements et les personnes, comme on sublime son anxiĂ©tĂ© avec son cƓur ou ses mains, est un vĂ©ritable « artiste ».

Dans l’obscuritĂ© de Chauvet comme dans ma caverne intĂ©rieure, de peur de perdre, de m’égarer ou de mourir, et pour rendre l’angoisse concrĂšte, je la fais statue d’argile, je m’y incarne ; et je fais des pieds et des mains le maximum, pour qu’elle tienne debout, comme par autoritĂ© pariĂ©tale ou parentale.

D’un revers de main, la boue bouge, et ma paume lui donne la grĂące de bouger comme mes doigts, parce que tout est glaise comme tout est grĂące. C’est alors que je tends les mains vers le ciel pour avoir quelques lumiĂšres sur ces statuettes Ă  mon image, dans la chorĂ©graphie de jeux d’ombres.

Il existe mille maniĂšres d’apprivoiser la mort, les arts, les lettres comme la danse ou la fĂȘte en sont des exemples, des trompe-la-mort pour Ă©chapper aux mors de la Faucheuse.

C’est Ă  travers ces Ă©preuves et dans ces Ă©prouvĂ©s, comme dans cette expĂ©rience primale, que l’on prend conscience que tout comme le marchĂ© de l’art est une grande bouffonnerie, une arnaque ou une farce et attrape, « Le grand Art » c’est-Ă -dire l’art de vivre ou de survivre n’est qu’un « exorcisme » qui depuis la nuit des temps, dure entre les tempes torturĂ©es et les temples consacrĂ©s.

Quel que soit l’art que nous pratiquons de nos dix doigts, c’est toujours une forme inconsciente de conjuration de la mort et des influences malĂ©fiques que nous pratiquons. Une conjuration des oiseaux de malheur qui planent au-dessus de nous comme Dame aux stress plane sur le monde ; une invocation inconsciente et instrumentalisĂ©e par la culture, des bons esprits ou des bonnes Ă©nergies qui parcourent les cimaises, comme dans les couloirs du « Nouvel Ăąge » ou dans les goulets de la religiositĂ©.

Entre les idolĂątries de la prĂ©histoire et les idolĂątries contemporaines, il n’existe qu’une main, celle des croyances, des dĂ©votions, des icĂŽnes, des plus populaires aux plus collectionnĂ©es. Parce que les Ɠuvres d’art sont nos nouveaux fĂ©tiches et nous sommes tous des fĂ©ticheurs entre les mains des faits les plus paĂŻens de notre monde dit civilisĂ©.

Les chasseurs-cueilleurs d’hier, sont devenus des prĂ©dateurs et les mains des cavernes qui Ă©taient possĂ©dĂ©es par l’esprit de crĂ©ation, sont devenues des mains possĂ©dĂ©es par l’esprit de possession.

Sous la voĂ»te des grottes comme dans nos galeries d’art d’aujourd’hui, on dĂ©senvoĂ»te, on chasse le mauvais critique, on cueille les Ă©loges, les adjurations d’hier ont simplement changĂ© de nom, comme les compliments varient avec le temps et la culture.

Mais seul « Le Beau » est capable de compenser nos excĂšs de fĂ©tichismes, et ce cĂŽtĂ© burlesque du marchĂ© grotesque de l’art mondain.

Seul « Le Beau » est assez puissant pour pardonner nos offenses Ă  l’Art premier et absoudre toutes nos prĂ©tentions et clowneries d’artistes.

Seul « Le Beau » est capable d’excuser nos pitreries mĂ©diatiques et nos facĂ©ties de mondanitĂ©s.

En vous Ă©crivant de la main gauche, j’en ai les mains moites !

Oui, toutes nos Ɠuvres posthumes ou pas, sont comme des impostures, comme des ecce homo dans nos lieux de dĂ©votions. Pas forcĂ©ment de vaines vieilleries, mais des reliques ou des reliquats d’un autre temps et d’une prĂ©sence qui chaque jour s’efface un peu plus ; des traces auxquelles on rend quelque culte, comme ces mains peintes qui tĂ©moignent d’un passage, objet d’une prĂ©sence rĂ©elle estompĂ©e par les siĂšcles comme des ossements blanchis, des cendres de souvenirs.

Comme cette multitude de mains sur les parois de Chauvet, quand j’étais enfant, les murs de la chapelle de Notre-Dame-des-Anges Ă  Clichy-sous-Bois, oĂč chaque semaine j’allais au catĂ©chisme et pour les offices, Ă©taient ainsi couverts d’ex-voto, de remerciements et de vƓux divers. Il y avait dĂšs l’entrĂ©e de la chapelle des plaques et des jeux de bĂ©quilles qui tĂ©moignaient de guĂ©risons et s’exposaient comme des preuves de miracle.

De mains en mains, tous ces tableaux et livres s’exposent pareillement Ă  des ex-voto. Ce sont des mains de papier, des impressions multiples et multiformes, des preuves de nos Ă©preuves, comme pour vĂ©rifier que l’on existe vraiment. Certains se pincent pour ĂȘtre sĂ»rs qu’ils ne rĂȘvent pas et qu’ils sont bien rĂ©veillĂ©s, alors que d’autres, dans l’antre de leur caverne d’aujourd’hui, en pincent pour la peinture, le piano ou l’écriture.

Tous ces livres, « ça donne la nausĂ©e ! » comme me disait l’un de mes amis. Mais tout ça, c’est Ă©mouvant, parfois mĂȘme pathĂ©tique, mais c’est toujours trĂšs humain. Souvent ça touche, comme on touche du bois par superstition ou pour s’accrocher au bastingage ; et souvent mĂȘme, ça nous bouleverse, comme un Van Gogh ou un J.S. Bach.

Ça Ă©motionne comme la lecture d’un Don Quichotte, d’un ProphĂšte, ou d’un P’ Prince 
 Et j’en passe Ă©videmment, et des pires et des meilleurs, comme passent ou trĂ©passent les gens entre les pages d’un roman, tout comme ils voyagent entre les cimaises et les rayons des libraires.

Les impressions sont toujours trompeuses. C’est une autre rĂ©alitĂ©, c’est que les sentiments comme les Ă©motions en cachent presque toujours bien d’autres, plus profondes, tout comme la quĂȘte de reconnaissance ou celle d’une notoriĂ©tĂ©, dissimulent pudiquement bien d’autres angoisses existentielles et d’autres besoins, dont le premier est inexorablement l’exorcisme de la mort.

Des mains sur la roche ou des mains qui Ă©crivent et corrigent des textes comme on voudrait bien corriger nos vies, ce sont toujours des mains qui s’agitent ; des mains qui montrent le chemin, des mains qui grondent et qui signent des Ă©prouvĂ©s et des Ă©preuves sur l’argile du temps ; de cette argile grasse et fragile d’oĂč nous venons ; c’est comme des rĂȘves qui s’inscrivent en gras dans la cendre et la poussiĂšre des Ă©toiles, ou qui s’écrivent en temps rĂ©els sur le Net.

Oui, comme des empreintes de nous-mĂȘmes, comme d’émouvantes tentatives de vivre sa propre vie ou de se survivre, et de rĂ©sister, les mains toutes tendues Ă  l’avant, pour avancer pas Ă  pas en rĂ©sistant aux rigueurs du temps et de la vie.

Des mains ou des reprĂ©sentations artistiques qui, Ă  l’instar de nos toiles de MaĂźtre, subsistent dans ces nouvelles grottes que par prĂ©tention ou dĂ©rision nous nommons des « musĂ©es ».

Vivre et survivre
 Sont autant d’essais manuels et intellectuels qu’il existe d’individus ; des vĂ©rifications que « je suis » comme des expĂ©riences personnelles, sur divers supports, comme pour laisser quelque trace de notre trop court passage ici-bas ; parce que toutes ces mains comme toutes ces crĂ©ations le disent ou plus exactement le crient Ă  coups de pinceau ou de baguette de chef d’orchestre, nous sommes tous des survivants et des migrants en chemin.

Platon nous avait pourtant bien prévenus ! Tout comme les labyrinthes humains, les cavernes sont trompeuses et les ombres plus encore. Mais pire encore que les cavernes et leurs dédales, plus encore que les ombres caverneuses, notre mental, nos croyances et nos propres ombres nous leurrent.

J’écris, tu peins, il sculpte, nous crĂ©ons 

C’est comme la survivance d’un vieux rituel qui consiste Ă  s’imprimer ou Ă  s’éditer quelque part dans l’immense ocĂ©an des idĂ©es; comme dans une poignante tentative de laisser une trace quelque part et une marque qui se voudrait indĂ©lĂ©bile ; rien qu’une simple trace, mĂȘme petite dans l’immensitĂ© de l’univers, comme une empreinte d’existence, plus visible qu’une Ă©pitaphe sur une pierre froide, un « moi-je » imprimĂ© en x exemplaires chez quelques bons Ă©diteurs, ou quelques feuillets imprimĂ©s comme le reflet d’un sujet pensant.

Conclusion :

Alors que les fouilles policiÚres deviennent plus nombreuses que les explorations archéologiques, que les réflexions en profondeur se font rares, que nos sols sont vidés de leurs substances, que nous enfouissons de plus en plus de déchets

Dans les siĂšcles Ă  venir, les nĂ©o-archĂ©ologues travaillant sur les civilisations disparues se demanderont bien ce que nous faisions de nos dix doigts et de nos mains d’home sapiens corrompus, et plus simplement, ce que nous faisions de bien.

Mettant Ă  dĂ©couvert nos multiples dĂ©prĂ©dations et iconoclasties, nos corruptions et autres forfaits, nos ruines et nos armes de destruction massives ; analysant avec perplexitĂ© nos documents et les malversations que nous avons mal cachĂ©es ; passant au crible des pinceaux et au peigne fin nos gĂ©nocides et autres guerres fratricides ; scrutant les trĂ©sors et Ɠuvres que nous avons dissimulĂ©s ou mis Ă  l’abri...

En conclusion, en déduiront que nous étions de grands prédateurs et des « Homo corrompus » de la pire espÚce.

Notes :

- L’un de mes textes des annĂ©es 70, intitulĂ© « Balisage Gothique » allait dans le mĂȘme sens.
- Gratin « Le gratin de l’aristocratie », comme les Guermantes de M. Proust.
- Sinthomes, terme empreinté à Jacques Lacan.

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