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Les Fauchard et (N°3).. des vacances mouvementées
prose [ ]

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by [BOKAY ]

2006-11-18  | [This text should be read in francais]    | 



Les Fauchard et (N° 3)…des vacances mouvementées


Les Fauchard, c’est nous. Je veux dire : mes parents, ma grande sœur et moi. Ah ! J’allais oublier grand-mère et biscuit, notre petit chien. Mes parents tiennent une épicerie à Paris, rue du cherche Midi.
Les Duchemin, c’est eux. La boucherie juste en face. Il y a le patron, tout le monde l’appelle « Duchemin », même sa femme. Ensuite, il y a la patronne, entre nous on l’appelle « La mère Duchemin ». Ils ont des jumeaux de treize ans, des intrépides, pas une journée sans qu’ils se prennent une volée.

Décidément, les vacances commencent mal. La location n'est en fait qu'une ancienne baraque de pêcheur aménagée en maison de vacances. Les bagages sont encore dans les voitures que déjà un épineux problème se pose: l'attribution des chambres. La location en possède trois. Après une visite rapide des différentes pièces, la Mère Duchemin interpelle son mari bien fort pour que tout le monde entende.
--- Nous, on prend cette chambre-là, Duchemin! Et celle à côté, c'est pour les jumeaux!
Comme par hasard, elle a choisi les deux plus grandes. Je regarde mon père: la riposte va arriver c'est sûre. Rien qu'à voir la façon dont il pince ses lèvres et cligne des yeux, ça va chauffer!
--- Ah ça par exemple! Et qu'est-ce que je fais de Grand-Mère? Dit mon père. Désolé Arlette, mais nous, on est cinq, on va quand même pas coucher tous dans cette petite chambre! En plus il y a même pas assez de lits!
--- Sois raisonnable Arlette! Dit Duchemin. Faut te faire une raison, t'es en vacances, Tu peux pas avoir le même confort qu'à Paris.
Duchemin se tourne vers mon Père.
--- Elle est jamais contente, pourtant elle est pas si mal que ça cette location!
--- Allez! Venez Marcel! Laissez les femmes discuter, nous, on va arroser notre arrivée.
Duchemin vide la moitié du coffre de sa voiture et lève le bras en l'air une bouteille de rosée à la main.
--- Ça y est, je l'ai, dit-il. Et celle-là, c'est du bon, c'est du vin que j'ai par mon grossiste, vous allez m'en dire des nouvelles!
Quand ils sont comme ça, moi je les aime bien tous les deux. J'aime surtout quand ils commencent à se chamailler, vers la fin de la bouteille. Ensuite, je sais que mon père se tournera vers moi et me dira: « Eh Gamin, va en chercher une autre »! La suite, je la connais aussi, c'est toujours pareil, la Mère Duchemin se pointera en gonflant ses gros nénés, dira à son mari qu'il a assez bu et lui reprochera de faire boire mon père.
Le lendemain matin, quand je me réveille, ça me fait tout drôle de me retrouver dans cette grande chambre. Il n'y a plus que moi et ma soeur, alors on discute et on se chamaille un peu. Quand nous nous levons, il fait déjà chaud dehors, mon Père et Duchemin fixent des cordes à linge entre l'appentis et les branches d'un arbre. Grand-Mère, qui s'est installée à l'ombre avec ses perruches, n' arrête pas de se plaindre, elle dit qu'il fait trop chaud, que ça sent mauvais et qu'elle était mieux à Paris.
La Mère Duchemin et ma Mère sont dans la cuisine.
--- Après-midi, il faut qu'on aille à Saint-Brieuc, dit la mère Duchemin, j'ai plus de maillots de bain, celui de l'année dernière n'est plus à la mode.
--- Je m'en achèterai un aussi et on en profitera pour faire les magasins, dit ma mère.
Moi, je ne comprends rien aux femmes, elles ont toute l'année pour faire des achats et à peine arrivé en vacances elles veulent déjà faire les magasins. Mon Père et Duchemin vont encore râler, ça, c'est sûr, surtout qu'ils ont parlé d'aller repérer les environs en vue d'une partie de pêche. Justement, les voici:
--- A quelle heure qu'on mange? Demande Duchemin, ça commence à me creuser!
--- C'est pas prêt, dit la mère Duchemin, mais si tu veux donner un coup de main...
--- T'as raison, dit Duchemin, on va vous aider, on va sortir les bouteilles pour l'apéro, on s'installe dehors, sous l'arbre,.
Comprenant qu'on ne mange pas tout de suite, j'en profite pour explorer les alentours. A une centaine de mètres à droite de notre location, je découvre un étroit sentier. La curiosité me joue souvent des tours, mais je suis comme ça, j'aime découvrir et je décide de le suivre. Quelques minutes plus tard, je me retrouve seul sur ce petit sentier qui serpente dans une végétation coupante et trapue. Des arbustes aux formes bizarres éveillent en moi un sentiment de peur que je repousse en chantant très fort. Et si on m'attaquait? Je me sens subitement vulnérable et petit. Ridiculement petit. Alors, impatient de voir ce qu'il y a plus loin, au bout du chemin, je me mets à courir. Par endroits, la végétation est si dense que le sentier me paraît bouché. Des plantes épineuses se rejoignent au centre me laissant tout juste assez d'espace pour passer. Leurs branches me fouettent et me griffent les jambes, mais cela ne m'arrête pas. Je me sens heureux, j'ai l'impression d' entrer dans un livre dont les pages se tournent sous mes pas. A ma gauche je vois la mer, immense. Qu’elle est grande! J'ai de bonnes jambes et même si je respire de plus en plus bruyamment, je maintiens mon allure. Mais subitement et sans que rien ne le laisse présager, le sentier s'efface et laisse place à une vaste étendue de sable noirâtre. Ça tombe bien, la fatigue commence à me peser, ma respiration est saccadée et le souffle me manque. Comme un héros fatigué, je me laisse tomber sur le sol. Dans ce ciel sans nuage, le soleil me brûle les yeux; je les ferme quelques instants. Un vent léger glisse sur l'océan et m'apporte une faible fraîcheur. La mer se perd dans le lointain jusqu'à se fondre avec le ciel. La beauté du paysage m' enivre. Que c'est beau!
Mais une douleur naturelle me ramène à la réalité. Mon ventre grouille et je meurs de faim. Je me relève d'un bond et, oubliant mon pouls rapide et ma respiration saccadée, je me mets en route en sens inverse. Le chemin me semble long et à nouveau, une étrange sensation de peur me poursuit. Il y a quelqu'un derrière moi, j'en suis sûr, je sens son souffle dans mon cou. Je me retourne, mais non, je ne vois personne! Pourtant, il est là, peut-être derrière un de ces gros bosquets de plantes épineuses. Le soleil me brûle et mon maillot est trempé de sueur, mais impossible de m'arrêter ni même de ralentir, il gagne du terrain et se rapproche dangereusement. Les arbustes aussi sont contre moi, sinon pourquoi prendraient-ils des formes monstrueuses comme dans les livres? Enfin, la vue de notre location me rassure. Je me retourne une dernière fois, mais je suis rassuré, tous ces personnages horribles ont disparu.
---Où que t'étais passé Gamin? Me demande mon père, ta mère est dans tous ses états.
--- Mon pauvre petit! Dit ma mère, mais t'es trempé, t'es tombé dans l'eau?
Comme je n'ai envie de parler ni de ma promenade ni de la peur que j'ai eu, je dis simplement:
--- Non, je ne suis pas tombé dans l'eau, je me suis mouillé parce que j'avais chaud.
Je viens de faire un gros mensonge. Je sais que c'est mal, mais j'avais vraiment pas envie de raconter.
Nous passons à table, ma mère me pose une avalanche de questions suivis d'une multitude de recommandations. Je remarque que les Jumeaux ne sont pas là non plus. On est habitué, ils sont toujours en retard. Mais évidemment, eux ils sont grands. C'est notre premier vrai repas depuis que nous sommes arrivé. J'ai une de ces faims... Le repas est prêt, mais il y a un problème, Grand-Mère ne trouve pas ses gouttes. Ma mère et la Mère Duchemin se mettent à chercher en rouspétant, mais rien à faire, ces sacrées gouttes sont introuvables. Duchemin regarde Grand-Mère et dit:
--- Pourquoi que vous les mettez pas dans votre sac à main, vos médicaments?
--- Je les ai posés là, à côté de l'évier! Dit Grand-Mère. Je sais encore ce que fait et...
--- C'est pas leur place, coupe mon père, vous retardez tout le monde, avec vos gouttes.
--- Ca y est je les ai trouvées, dit ma mère.
Voilà les Jumeaux qui arrivent en courant. Ils sont tout barbouillés de cette boue noir et visqueuse qui recouvre le littoral à cet endroit.
Duchemin s'est levé d'un bond, a bousculé Grand-Mère qui, le nez collé contre son verre, comptait ses gouttes.
-- - Oh! Mais faite attention, Duchemin! Vous m'avez fait tout renversé!
Duchemin a empoigné ses Jumeaux, un à chaque main et les a emmenés vers le robinet extérieur. Puis, il leur a parlé de sa voix forte, j'ai entendu claquer et les jumeaux ont crié deux ou trois fois. On a encore attendu un peu et ils se sont mis à table en pleurnichant et rigolant en même temps.
L' après-midi, on est tous allés à Saint-Brieuc, sauf ma soeur qui voulait faire son courrier et surtout lire son livre, 'Le Grand Maulne'. Moi, je suis resté avec ma mère et la Mère Duchemin. On a fait pas moins de dix boutiques pour trouver un maillot de bain pour la Mère Duchemin. A chaque fois, j'entendais la même réponse: désolée Madame, mais on ne fait pas plus grand! Elle a fini par en trouver un, mais il est tout noir et il lui serre de partout. Quand elle est dedans, elle me fait penser à un énorme boudin noir qui aurait une hernie. On a retrouvé mon Père et Duchemin à la voiture à dix-huit heures, ils s'étaient acheté chacun une nouvelle canne à pèche et Duchemin une carabine à plombs.
Cet achat ne plaît pas du tout à ma mère : « Une carabine! Quelle drôle d'idée »! Mon père lui explique que c'est seulement une carabine à plombs, pour tirer sur des cibles en cartons, mais ma mère est contre tout ce qui ressemble à une arme. Elle est fâchée et discute ferme avec mon Père quand nous arrivons à notre logement. Mais la conversation se coupe net, ma mère se dresse sur son siège et passe sa tête par la vitre de la portière:
--- Y'a une voiture de garée devant l'autre location, dit-elle.
--- Oh! Mais nos voisins sont arrivés, dit mon Père.
--- Faut espérer que c'est des gens bien? Ajoute ma mère.
À peine sommes-nous entrés dans la location que ma soeur jette son livre et se lève de son fauteuil tout d'un coup:
--- nos voisins sont arrivés, je les ai vus.
--- Et ils sont comment? demande ma mère, ils ont l'air bien?
--- Oh oui, dit ma soeur, ils sont bien habillés, ils sont noirs et ils ont deux garçons, noirs aussi.
La Mère Duchemin tourne la tête à la vitesse de l'éclair, s'immobilise et regarde ma soeur dans les yeux.
--- Qu'est-ce que tu veux dire par: ils sont noir?
--- Ben quoi, ils sont noirs, Des Africains, certainement.
--- Quoi! Dit la mère Duchemin, des noirs! Des noirs là, à côté de chez nous! Ah, quelle horreur! Duchemin, Duchemin, vient vite, nos voisins c'est des noirs!
A suivre...
Mes écrits et dessins : http://bokay.over-blog.org/

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